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« Âmes sensibles, s’abstenir ! » : Philippe Boxho a charmé Madrid avec ses anecdotes glaçantes

Ces 27 et 28 janvier derniers, Madrid a accueilli Philippe Boxho pour son premier arrêt en dehors de la francophonie. Le médecin légiste en vogue s’est rendu dans la capitale espagnole pour promouvoir son premier livre, « Les morts ont la parole », auprès des libraires et du lectorat espagnols.

L’homme qui faisait parler les cadavres

Né à Liège le 15 juin 1965, Philippe Boxho est un médecin légiste et criminologue et, plus récemment, un auteur de livres à succès. Dans ses bouquins, il partage les anecdotes qui l’ont marqué au cours de ses plus de trente ans d’années d’expérience. Il dévoile sur le ton de l’humour les coulisses d’un métier de l’ombre et déconstruit les clichés véhiculés par les séries américaines. Boxho raconte des histoires issues de la réalité : un livre authentiqué narré avec humour et simplicité qui plait par son caractère « true crime » et ses histoires courtes.

Révélé par l’animateur français Guillaume Pley, Philippe Boxho ne cesse de battre des records. Désigné « Belge de l’année » lors des Ciné-Télé-Revue Awards en 2024, sa popularité ne cesse de croître. Après trois best-sellers, « Les morts ont la parole », « Entretien avec un cadavre » et « La mort en face », son public en redemande et ses ventes ont dépassé celles d’Amélie Nothomb et d’Éric Emmanuel Schmitt.

Escapade madrilène

De passage à Madrid, Philippe Boxho s’est rendu à la résidence de l’ambassadeur pour un évènement co-organisé par Penguin Random House et la Délégation générale Wallonie-Bruxelles en Espagne lors duquel Los muertos tienen la palabra, a été présenté par Alix Leveugle, directrice des ventes en Espagne. Philippe Boxho a pu ensuite s’exprimer à son tour, avant de laisser place à un drink pendant lequel les invités ont pu lui poser diverses questions. Le 28 janvier, la première rencontre littéraire de Philippe Boxho Espagne s’est tenue en collaboration avec l’Institut français de Madrid avec 280 personnes au rendez-vous. Au cours de cette rencontre, il a dédicacé des livres et raconté des anecdotes avec humour. Déjà 45ème dans la liste des meilleures ventes de livres sur l’une des principales plateformes de vente de livres en ligne, le médecin légiste est parvenu à séduire le lectorat espagnol et plus de 5 000 exemplaires de son livre se sont déjà écoulés dans le pays. Il semblerait que son succès n’ait pas de frontières.

Une conversation avec Philippe Boxho

  • Pensez-vous que partager votre récit permettrait à un public plus jeune de s’intéresser à la profession, et éventuellement d’entreprendre des études dans le milieu ? – Et pour le lectorat plus âgé, pensez-vous que votre récit permet de, en quelque sorte, normaliser la profession ? 

Pour les plus jeunes, oui. Il y a beaucoup qui viennent me trouver en me disant que la médecine légale les intéresse, qu'ils feraient bien ce métier-là plus tard, et qui me demandent comment faire. Dans les pays francophones, il y a beaucoup de jeunes qui s’intéressent et qui se disent « je ferais bien ça comme métier ». Quant aux plus âgés, ça permet de leur faire connaître la profession, comme aux plus jeunes d’ailleurs. On la rend « normale », comme tu dis dans la question. On est plus des espèces de machins qui vivent au fond d’un laboratoire, dans une grotte cachée au public, et qui traitent d’un sujet tabou.

  • Est-ce que briser le mythe des médecins légistes - héros que l’on voit dans les séries américaines était l’un de vos objectifs quand vous avez rédigé le roman ? 

Le problème des séries américaines en général, c'est qu'elles sont monomaniaques. On y parle que des microtraces qui permettent nécessairement de trouver l'auteur. Les « profilers » sont les seuls à pouvoir trouver le coupable. Au final, les séries américaines, c’est surtout de la criminalistique. Or, on travaille tous ensemble, les criminalisticiens, les profilers, quand il y en a, les médecins légistes, les experts, on travaille tous ensemble. Et grâce aux données que chacun apporte, on peut trouver l’auteur et l’amener devant le tribunal. Nous, on n’intervient pas comme des héros, on intervient en donnant nos renseignements aux enquêteurs. Le médecin légiste qui trouve tout seul, c’est dans les séries américaines. Nous, on n'est pas ça. Je ne suis pas policier. C'est toujours un travail de mise en commun, une enquête.

  • Votre livre va être traduit dans une trentaine de langues, mais l’espagnol est la première langue dans laquelle il est publié. Est-ce un choix ? 

Alors, ce n’est pas un choix, en tout cas, pas de ma part. Les Espagnols ont été les premiers à s’intéresser au bouquin. Une maison d’édition ici, une des plus grandes en Espagne, s’est intéressée au bouquin en disant « nous on est intéressés, on veut le faire traduire, et on va garder le même ton, le même style humoristique, on va tout garder ». Tout garder était important pour moi car je ne suis pas écrivain, je suis un raconteur, donc mon bouquin, c’est la manière dont je raconte des histoires comme je le fais à mes étudiants. Je suis professeur à l’université depuis plus de 20 ans et mes élèves m’ont entraîné à leur raconter des histoires. Ce bouquin que vous avez là, traduit en espagnol, c’est le bouquin des histoires que je raconte à mes étudiants. Ces 5 000 livres en Belgique, c’est un best-seller. Aujourd’hui, « Les morts ont la parole » a été publié 380 000 fois. J’aurais jamais pensé ça.  Moi, mon idée, c’était un livre belge, écrit par un belge, dans une maison d’édition belge, qui parle d’un problème belge, pour intéresser les belges. Puis, pouf ! Il est arrivé en France. Ce bouquin, c’est d’abord une histoire courte. Ensuite, c’est des true crimes, et enfin, il y a ma manière de raconter les choses qui est tout à fait spéciale. Voilà, ça marche bien.

  • Vous écrivez sur un sujet niche mais vous êtes parvenu à toucher un public francophone plus large, notamment en donnant des Interviews sur YouTube, en participant à des émissions radio et à des podcasts. Comment pensez-vous pouvoir titiller la curiosité du lectorat espagnol ? 

C’est assez difficile ça, parce que je ne parle pas espagnol. Si c’était le cas, je serais déjà sur une chaîne de podcast avec un podcaster youtubeur national. Il y a pile un an, j’ai fait des podcasts avec Guillaume Pley qui ont vraiment lancé le bouquin. En un an, on a vendu un million de livres en France et dans la francophonie. C’est un succès complètement cinglé.

Il est en train de travailler sur un système qui permettrait, grâce à une IA, de me faire parler en espagnol dans ses vidéos en conservant nos voix et nos timbres de voix. On a commencé par l’espagnol, et pour le moment, ça marche très bien pour moi, mais pas pour lui. Donc on attend. Mais qui sait, peut-être qu’un youtubeur madrilène m’invitera un jour, pourquoi pas.

Après, ce qui marche bien dans les podcasts, c’est la combinaison entre l’intervieweur et l’interviewé. Avec Guillaume, on est devenus amis, je connais ses réactions, donc ça fonctionne parce qu’on s’entend super bien. Mais je ne parle pas un mot d’espagnol, donc ce serait plus compliqué de retrouver cette relation. Même pour les autres pays d’ailleurs.

  • Comment choisissez-vous les anecdotes que vous allez raconter dans vos bouquins et interviews? 

Pour le premier bouquin, c’était facile. J’ai choisi les histoires exceptionnelles qui n’arrivent qu’une fois dans la vie de médecin légiste. Ce sont les histoires que je raconte à mes étudiants, donc, eux, en plus ils ont les images.

Ensuite, dans les autres livres que vous n’avez pas encore en espagnol, mais qui arriveront à mon avis, ce sont des histoires de médecine légale de tous les jours. C’est soit des histoires qui m’ont impressionné et que j’ai toujours en mémoire, soit je suis descendu dans mes caves pour aller chercher des dossiers d’autopsie et voir ce qu’il y avait d’intéressant, soit ce sont des anecdotes qui me reviennent quand je me promène dans les rues de ma ville et que je note sur mon GSM pour ne pas les oublier.

  • En quoi WBI vous aide à vous internationaliser ?

WBI m’aide à me faire voir par un public, qui plus est un public étranger. Donc, ça m’aide. C’est une excellente idée. Les Belges ont un problème classique : on dit toujours qu’ils ne savent pas se vendre.

Par exemple, en Belgique, il y a le gars qui a été le premier à trouver le moyen de détecter une substance toxique dans les organes. C’est Jean Servais Stas au XVIIe siècle. Personne n’en a jamais parlé. J’ai fait un article sur lui, dans une revue d’histoire belge qui s’appelle « Belgica », où je raconte son histoire. Il y a aussi un bonhomme, à Liège, qui est l'inventeur de la technique de l'entomologie médico-légale. C’est une technique qui permet de dater le moment du décès en observant les mouches qui viennent proliférer sur le cadavre.

En bref, on ne sait pas se vendre, les Belges. On a ce problème. On reste au nôtre coin, très contents de ce qu'on fait, mais on ne le diffuse pas.

 

C’est donc avec son ton humoristique habituel et ses anecdotes dont personne ne se lasse que Philippe Boxho a séduit la capitale espagnole. Le succès imminent de la vente de son livre témoigne de l’intérêt porté à son œuvre et à sa manière originale de partager ses histoires. Ainsi, en janvier, son passage en Espagne a ouvert la voie à de nouvelles perspectives et à un public toujours plus large.